Nietzsche | Dieu est mort ; c’est sa pitié des hommes qui a tué Dieu / Car ce Dieu ancien ne vit plus : il est foncièrement mort, celui-là

Traduction française par Henri Albert

Texte allemand | Sources

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Luttes nouvelles. — Après la mort de Bouddha l’on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne, — une ombre énorme et épouvantable. Dieu est mort : mais, à la façon dont sont faits les hommes, il y aura peut-être encore pendant des milliers d’années des cavernes où l’on montrera son ombre.

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Notre sérénité. — Le plus important des événements récents, — le fait « que Dieu est mort », que la foi en le Dieu chrétien a été ébranlée — commence déjà à projeter sur l’Europe ses premières ombres. Du moins pour le petit nombre de ceux dont le regard, dont la méfiance du regard, sont assez aigus et assez fins pour ce spectacle, un soleil semble s’être couché, une vieille et profonde confiance s’être changée en doute : c’est à eux que notre vieux monde doit paraître tous les jours plus crépusculaire, plus suspect, plus étrange, plus « vieux ». On peut même dire, d’une façon générale, que l’événement est beaucoup trop grand, trop lointain, trop éloigné de la compréhension de tout le monde pour qu’il puisse être question du bruit qu’en a fait la nouvelle, et moins encore pour que la foule puisse déjà s’en rendre compte — pour qu’elle puisse savoir ce qui s’effondrera, maintenant que cette foi a été minée, tout ce qui s’y dresse, s’y adosse et s’y vivifie : par exemple toute notre morale européenne. Cette longue suite de démolitions, de destructions, de ruines et de chutes que nous avons devant nous : qui donc aujourd’hui la devinerait assez pour être l’initiateur et le devin de cette énorme logique de terreur, le prophète d’un assombrissement et d’une obscurité qui n’eurent probablement jamais leurs pareils sur la terre ? Nous-mêmes, nous autres devins de naissance, qui restons comme en attente sur les sommets, placés entre hier et demain, haussés parmi les contradictions d’hier et de demain, nous autres premiers-nés, nés trop tôt, du siècle à venir, nous qui devrions apercevoir déjà les ombres que l’Europe est en train de projeter : d’où cela vient-il donc que nous attendions nous-mêmes, sans un intérêt véritable, et avant tout sans souci ni crainte, la venue de cet obscurcissement ? Nous trouvons-nous peut-être encore trop dominés par les premières conséquences de cet événement ? — et ces premières conséquences, à l’encontre de ce que l’on pourrait peut-être attendre, ne nous apparaissent nullement tristes et assombrissantes, mais, au contraire, comme une espèce de lumière nouvelle, difficile à décrire, comme une espèce de bonheur, d’allégement, de sérénité, d’encouragement, d’aurore… En effet, nous autres philosophes et « esprits libres », à la nouvelle que « le Dieu ancien est mort », nous nous sentons illuminés d’une aurore nouvelle ; notre coeur en déborde de reconnaissance, d’étonnement, d’appréhen­sion et d’attente, — enfin l’horizon nous semble de nouveau libre, en admettant même qu’il ne soit pas clair, — enfin nos vaisseaux peuvent de nouveau mettre à la voile, voguer au-devant du danger, tous les coups de hasard de celui qui cherche la connaissance sont de nouveau permis ; la mer, notre pleine mer, s’ouvre de nouveau devant nous, et peut-être n’y eut-il jamais une mer aussi « pleine ». —

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Mais quand Zarathoustra fut seul, il parla ainsi à son coeur : « Serait-ce possible ! Ce vieux saint dans sa forêt n’a pas encore entendu dire que Dieu est mort ! »

(...)

Autrefois le blasphème envers Dieu était le plus grand blasphème, mais Dieu est mort et avec lui sont morts ses blasphémateurs. Ce qu’il y a de plus terrible maintenant, c’est de blasphémer la terre et d’estimer les entrailles de l’impénétrable plus que le sens de la terre !

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(...)

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Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir une hauteur qui est au-dessus de leur pitié !

Ainsi me dit un jour le diable : « Dieu aussi a son enfer : c’est son amour des hommes. »

Et dernièrement je l’ai entendu dire ces mots : « Dieu est mort ; c’est sa pitié des hommes qui a tué Dieu. » —

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(...)

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« Qui que tu sois, voyageur errant, dit-il, aide à un égaré qui cherche, à un vieillard à qui il pourrait bien arriver malheur ici !

Ce monde est étranger et lointain pour moi, j’ai aussi entendu hurler les bêtes sauvages ; et celui qui aurait pu me donner asile a lui-même disparu.

J’ai cherché le dernier homme pieux, un saint et un ermite, qui, seul dans sa forêt, n’avait pas encore entendu dire ce que tout le monde sait aujourd’hui. »

« Qu’est-ce que tout le monde sait aujourd’hui ? demanda Zarathoustra. Ceci, peut-être, que le Dieu ancien ne vit plus, le Dieu en qui tout le monde croyait jadis ? »

« Tu l’as dit, répondit le vieillard attristé. Et j’ai servi ce Dieu ancien jusqu’à sa dernière heure.

Mais maintenant je suis hors de service, je suis sans maître et malgré cela je ne suis pas libre ; aussi ne suis-je plus jamais joyeux, si ce n’est en souvenir.

C’est pourquoi je suis monté dans ces montagnes pour célébrer de nouveau une fête, comme il convient à un vieux pape et à un vieux père de l’église : car sache que je suis le dernier pape ! — une fête de souvenir pieux et de culte divin.

Mais maintenant il est mort lui-même, le plus pieux des hommes, ce saint de la forêt qui sans cesse rendait grâce à Dieu, par des chants et des murmures.

Je ne l’ai plus trouvé lui-même lorsque j’ai découvert sa chaumière — mais j’y ai vu deux loups qui hurlaient à cause de sa mort — car tous les animaux l’aimaient. Alors je me suis enfui.

Suis-je donc venu en vain dans ces forêts et dans ces montagnes ? Mais mon coeur s’est décidé à en chercher un autre, le plus pieux de tous ceux qui ne croient pas en Dieu, — à chercher Zarathoustra ! »

Ainsi parlait le vieillard et il regardait d’un oeil perçant celui qui était debout devant lui ; Zarathoustra cependant saisit la main du vieux pape et la contempla longtemps avec admiration.

« Vois donc, vénérable, dit-il alors, quelle belle main effilée ! Ceci est la main de quelqu’un qui a toujours donné la bénédiction. Mais maintenant elle tient celui que tu cherches, moi Zarathoustra.

Je suis Zarathoustra, l’impie, qui dit : qui est-ce qui est plus impie que moi, afin que je me réjouisse de son enseignement ? »

Ainsi parlait Zarathoustra, pénétrant de son regard les pensées et les arrière-pensées du vieux pape. Enfin celui-ci commença :

« Celui qui l’aimait et le possédait le plus, c’est celui qui l’a aussi le plus perdu : —

regarde, je crois que de nous deux, c’est moi maintenant le plus impie ? Mais qui donc saurait s’en réjouir ! » —

— « Tu l’as servi jusqu’à la fin ? demanda Zarathoustra pensif, après un long et profond silence, tu sais comment il est mort ? Est-ce vrai, ce que l’on raconte, que c’est la pitié qui l’a étranglé ?

— la pitié de voir l’homme suspendu à la croix, sans pouvoir supporter que l’amour pour les hommes devînt son enfer et enfin sa mort ? » — —

Le vieux pape cependant ne répondit pas, mais il regarda de côté, avec un air farouche et une expression douloureuse et sombre sur le visage.

« Laisse-le aller, reprit Zarathoustra après une longue réflexion, en regardant toujours le vieillard dans le blanc des yeux.

Laisse-le aller, il est perdu. Et quoique cela t’honore de ne dire que du bien de ce mort, tu sais aussi bien que moi, qui il était : et qu’il suivait des chemins singuliers. »

« Pour parler entre trois yeux, dit le vieux pape rasséréné (car il était aveugle d’un oeil), sur les choses de Dieu je suis plus éclairé que Zarathoustra lui-même — et j’ai le droit de l’être.

Mon amour a servi Dieu pendant de longues années, ma volonté suivait partout sa volonté. Mais un bon serviteur sait tout et aussi certaines choses que son maître se cache à lui-même.

C’était un Dieu caché, plein de mystères. En vérité, son fils lui-même ne lui est venu que par des chemins détournés. À la porte de sa croyance il y a l’adultère.

Celui qui le loue comme le Dieu d’amour ne se fait pas une idée assez élevée sur l’amour même. Ce Dieu ne voulait-il pas aussi être juge ? Mais celui qui aime, aime au delà du châtiment et de la récompense.

Lorsqu’il était jeune, ce Dieu d’Orient, il était dur et altéré de vengeance, il s’édifia un enfer pour divertir ses favoris.

Mais il finit par devenir vieux et mou et tendre et compatissant, ressemblant plus à un grand-père qu’à un père, mais ressemblant davantage encore à une vieille grand’mère chancelante.

Le visage ridé, il était assis au coin du feu, se faisant des soucis à cause de la faiblesse de ses jambes, fatigué du monde, fatigué de vouloir, et il finit par étouffer un jour de sa trop grande pitié. » — —

« Vieux pape, interrompit alors Zarathoustra, as-tu vu cela de tes propres yeux ? Il se peut bien que cela se soit passé ainsi : ainsi, et aussi autrement. Quand les dieux meurent, ils meurent toujours de plusieurs sortes de morts.

Eh bien ! De telle ou de telle façon, de telle et de telle façon — il n’est plus ! Il répugnait à mes yeux et à mes oreilles, je ne voudrais rien lui reprocher de pire.

J’aime tout ce qui a le regard clair et qui parle franchement. Mais lui — tu le sais bien, vieux prêtre, il avait quelque chose de ton genre, du genre des prêtres — il était équivoque.

Il avait aussi l’esprit confus. Que ne nous en a-t-il pas voulu, ce coléreux, de ce que nous l’ayons mal compris. Mais pourquoi ne parlait-il pas plus clairement ?

Et si c’était la faute à nos oreilles, pourquoi nous donnait-il des oreilles qui l’entendaient mal ? S’il y avait de la bourbe dans nos oreilles, eh bien ! qui donc l’y avait mise ?

Il y avait trop de chose qu’il ne réussissait pas, ce potier qui n’avait pas fini son apprentissage. Mais qu’il se soit vengé sur ses pots et sur ses créatures, parce qu’il les avait mal réussies — cela fut un péché contre le bon goût.

Il y a aussi un bon goût dans la pitié : ce bon goût a fini par dire : « Enlevez-nous un pareil Dieu. Plutôt encore pas de Dieu du tout, plutôt encore organiser les destinées à sa propre tête, plutôt être fou, plutôt être Dieu soi-même ! »

— « Qu’entends-je ! dit en cet endroit le vieux pape en dressant l’oreille ; ô Zarathoustra tu es plus pieux que tu ne le crois, avec une telle incrédulité. Il a dû y avoir un Dieu quelconque qui t’a converti à ton impiété.

N’est-ce pas ta piété même qui t’empêche de croire à un Dieu ? Et ta trop grande loyauté finira par te conduire par delà le bien et le mal !

Vois donc, ce qui a été réservé pour toi ? Tu as des yeux, une main et une bouche, qui sont prédestinés à bénir de toute éternité. On ne bénit pas seulement avec la main.

Auprès de toi, quoique tu veuilles être le plus impie, je sens une odeur secrète de longues bénédictions : je la sens pour moi, à la fois bienfaisante et douloureuse.

Laisse-moi être ton hôte, ô Zarathoustra, pour une seule nuit ! Nulle par sur la terre je ne me sentirai mieux qu’auprès de toi ! » —

« Amen ! Ainsi soit-il ! s’écria Zarathoustra avec un grand étonnement, c’est là-haut qu’est le chemin, qui mène à la caverne de Zarathoustra.

En vérité, j’aimerais bien t’y conduire moi-même, vénérable, car j’aime tous les hommes pieux. Mais maintenant un cri de détresse m’appelle en hâte loin de toi.

Dans mon domaine il ne doit arriver malheur à personne : ma caverne est un bon port. Et j’aimerais bien à remettre sur terre ferme et sur des jambes solides tous ceux qui sont tristes.

Mais qui donc t’enlèverait ta mélancolie des épaules ? Je suis trop faible pour cela. En vérité, nous pourrions attendre longtemps jusqu’à ce que quelqu’un te ressuscite ton Dieu.

Car ce Dieu ancien ne vit plus : il est foncièrement mort, celui-là. »

Ainsi parlait Zarathoustra.

***

Neue Kämpfe. — Nachdem Buddha todt war, zeigte man noch Jahrhunderte lang seinen Schatten in einer Höhle, — einen ungeheuren schauerlichen Schatten. Gott ist todt: aber so wie die Art der Menschen ist, wird es vielleicht noch Jahrtausende lang Höhlen geben, in denen man seinen Schatten zeigt. — Und wir — wir müssen auch noch seinen Schatten besiegen!

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Was es mit unserer Heiterkeit auf sich hat. — Das grösste neuere Ereigniss, — dass „Gott todt ist“, dass der Glaube an den christlichen Gott unglaubwürdig geworden ist — beginnt bereits seine ersten Schatten über Europa zu werfen. Für die Wenigen wenigstens, deren Augen, deren Argwohn in den Augen stark und fein genug für dies Schauspiel ist, scheint eben irgend eine Sonne untergegangen, irgend ein altes tiefes Vertrauen in Zweifel umgedreht: ihnen muss unsre alte Welt täglich abendlicher, misstrauischer, fremder, „älter“ scheinen. In der Hauptsache aber darf man sagen: das Ereigniss selbst ist viel zu gross, zu fern, zu abseits vom Fassungsvermögen Vieler, als dass auch nur seine Kunde schon angelangt heissen dürfte; geschweige denn, dass Viele bereits wüssten, was eigentlich sich damit begeben hat — und was Alles, nachdem dieser Glaube untergraben ist, nunmehr einfallen muss, weil es auf ihm gebaut, an ihn gelehnt, in ihn hineingewachsen war: zum Beispiel unsre ganze europäische Moral. Diese lange Fülle und Folge von Abbruch, Zerstörung, Untergang, Umsturz, die nun bevorsteht: wer erriethe heute schon genug davon, um den Lehrer und Vorausverkünder dieser ungeheuren Logik von Schrecken abgeben zu müssen, den Propheten einer Verdüsterung und Sonnenfinsterniss, deren Gleichen es wahrscheinlich noch nicht auf Erden gegeben hat? …Selbst wir geborenen Räthselrather, die wir gleichsam auf den Bergen warten, zwischen Heute und Morgen hingestellt und in den Widerspruch zwischen Heute und Morgen hineingespannt, wir Erstlinge und Frühgeburten des kommenden Jahrhunderts, denen eigentlich die Schatten, welche Europa alsbald einwickeln müssen, jetzt schon zu Gesicht gekommen sein sollten: woran liegt es doch, dass selbst wir ohne rechte Theilnahme für diese Verdüsterung, vor Allem ohne Sorge und Furcht für uns ihrem Heraufkommen entgegensehn? Stehen wir vielleicht zu sehr noch unter den nächsten Folgen dieses Ereignisses — und diese nächsten Folgen, seine Folgen für uns sind, umgekehrt als man vielleicht erwarten könnte, durchaus nicht traurig und verdüsternd, vielmehr wie eine neue schwer zu beschreibende Art von Licht, Glück, Erleichterung, Erheiterung, Ermuthigung, Morgenröthe… In der That, wir Philosophen und „freien Geister“ fühlen uns bei der Nachricht, dass der „alte Gott todt“ ist, wie von einer neuen Morgenröthe angestrahlt; unser Herz strömt dabei über von Dankbarkeit, Erstaunen, Ahnung, Erwartung, — endlich erscheint uns der Horizont wieder frei, gesetzt selbst, dass er nicht hell ist, endlich dürfen unsre Schiffe wieder auslaufen, auf jede Gefahr hin auslaufen, jedes Wagniss des Erkennenden ist wieder erlaubt, das Meer, unser Meer liegt wieder offen da, vielleicht gab es noch niemals ein so „offnes Meer“. —

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Als Zarathustra aber allein war, sprach er also zu seinem Herzen: „Sollte es denn möglich sein! Dieser alte Heilige hat in seinem Walde noch Nichts davon gehört, dass Gott todt ist!“ —

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Einst war der Frevel an Gott der grösste Frevel, aber Gott starb, und damit starben auch diese Frevelhaften. An der Erde zu freveln ist jetzt das Furchtbarste und die Eingeweide des Unerforschlichen höher zu achten, als den Sinn der Erde!

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Wehe allen Liebenden, die nicht noch eine Höhe haben, welche über ihrem Mitleiden ist!

Also sprach der Teufel einst zu mir: „auch Gott hat seine Hölle: das ist seine Liebe zu den Menschen.“

Und jüngst hörte ich ihn diess Wort sagen: „Gott ist todt; an seinem Mitleiden mit den Menschen ist Gott gestorben.“ —

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Wer du auch bist, du Wandersmann, sprach er, hilf einem Verirrten, einem Suchenden, einem alten Manne, der hier leicht zu Schaden kommt!

Diese Welt hier ist mir fremd und fern, auch hörte ich wilde Thiere heulen; und Der, welcher mir hätte Schutz bieten können, der ist selber nicht mehr.

Ich suchte den letzten frommen Menschen, einen Heiligen und Einsiedler, der allein in seinem Walde noch Nichts davon gehört hatte, was alle Welt heute weiss.“

„Was weiss heute alle Welt? fragte Zarathustra. Etwa diess, dass der alte Gott nicht mehr lebt, an den alle Welt einst geglaubt hat?“

„Du sagst es, antwortete der alte Mann betrübt. Und ich diente diesem alten Gotte bis zu seiner letzten Stunde.

Nun aber bin ich ausser Dienst, ohne Herrn, und doch nicht frei, auch keine Stunde mehr lustig, es sei denn in Erinnerungen.

Dazu stieg ich in diese Berge, dass ich endlich wieder ein Fest mir machte, wie es einem alten Papste und Kirchen-Vater zukommt: denn wisse, ich bin der letzte Papst! — ein Fest frommer Erinnerungen und Gottesdienste.

Nun aber ist er selber todt, der frömmste Mensch, jener Heilige im Walde, der seinen Gott beständig mit Singen und Brummen lobte.

Ihn selber fand ich nicht mehr, als ich seine Hütte fand, — wohl aber zwei Wölfe darin, welche um seinen Tod heulten — denn alle Thiere liebten ihn. Da lief ich davon.

Kam ich also umsonst in diese Wälder und Berge? Da entschloss sich mein Herz, dass ich einen Anderen suchte, den Frömmsten aller Derer, die nicht an Gott glauben —, dass ich Zarathustra suchte!“

Also sprach der Greis und blickte scharfen Auges Den an, welcher vor ihm stand; Zarathustra aber ergriff die Hand des alten Papstes und betrachtete sie lange mit Bewunderung.

„Siehe da, du Ehrwürdiger, sagte er dann, welche schöne und lange Hand! Das ist die Hand eines Solchen, der immer Segen ausgetheilt hat. Nun aber hält sie Den fest, welchen du suchst, mich, Zarathustra.

Ich bin’s, der gottlose Zarathustra, der da spricht: wer ist gottloser als ich, dass ich mich seiner Unterweisung freue?“ —

Also sprach Zarathustra und durchbohrte mit seinen Blicken die Gedanken und Hintergedanken des alten Papstes. Endlich begann dieser:

„Wer ihn am meisten liebte und besass, der hat ihn nun am meisten auch verloren —:

— siehe, ich selber bin wohl von uns Beiden jetzt der Gottlosere? Aber wer könnte daran sich freuen!“ —

— „Du dientest ihm bis zuletzt, fragte Zarathustra nachdenklich, nach einem tiefen Schweigen, du weisst, wie er starb? Ist es wahr, was man spricht, dass ihn das Mitleiden erwürgte,

— dass er es sah, wie der Mensch am Kreuze hieng, und es nicht ertrug, dass die Liebe zum Menschen seine Hölle und zuletzt sein Tod wurde?“ — —

Der alte Papst aber antwortete nicht, sondern blickte scheu und mit einem schmerzlichen und düsteren Ausdrucke zur Seite.

„Lass ihn fahren, sagte Zarathustra nach einem langen Nachdenken, indem er immer noch dem alten Manne gerade in’s Auge blickte.

Lass ihn fahren, er ist dahin. Und ob es dich auch ehrt, dass du diesem Todten nur Gutes nachredest, so weisst du so gut als ich, wer er war; und dass er wunderliche Wege gieng.“

„Unter drei Augen gesprochen, sagte erheitert der alte Papst (denn er war auf Einem Auge blind), in Dingen Gottes bin ich aufgeklärter als Zarathustra selber — und darf es sein.

Meine Liebe diente ihm lange Jahre, mein Wille gieng allem seinen Willen nach. Ein guter Diener aber weiss Alles, und Mancherlei auch, was sein Herr sich selbst verbirgt.

Es war ein verborgener Gott, voller Heimlichkeit. Wahrlich zu einem Sohne sogar kam er nicht anders als auf Schleichwegen. An der Thür seines Glaubens steht der Ehebruch.

Wer ihn als einen Gott der Liebe preist, denkt nicht hoch genug von der Liebe selber. Wollte dieser Gott nicht auch Richter sein? Aber der Liebende liebt jenseits von Lohn und Vergeltung.

Als er jung war, dieser Gott aus dem Morgenlande, da war er hart und rachsüchtig und erbaute sich eine Hölle zum Ergötzen seiner Lieblinge.

Endlich aber wurde er alt und weich und mürbe und mitleidig, einem Grossvater ähnlicher als einem Vater, am ähnlichsten aber einer wackeligen alten Grossmutter.

Da sass er, welk, in seinem Ofenwinkel, härmte sich ob seiner schwachen Beine, weltmüde, willensmüde, und erstickte eines Tags an seinem allzugrossen Mitleiden.“ — —

„Du alter Papst, sagte hier Zarathustra dazwischen, hast du Das mit Augen angesehn? Es könnte wohl so abgegangen sein: so, und auch anders. Wenn Götter sterben, sterben sie immer viele Arten Todes.

Aber wohlan! So oder so, so und so — er ist dahin! Er gieng meinen Ohren und Augen wider den Geschmack, Schlimmeres möchte ich ihm nicht nachsagen.

Ich liebe Alles, was hell blickt und redlich redet. Aber er — du weisst es ja, du alter Priester, es war Etwas von deiner Art an ihm, von Priester-Art — er war vieldeutig.

Er war auch undeutlich. Was hat er uns darob gezürnt, dieser Zornschnauber, dass wir ihn schlecht verstünden! Aber warum sprach er nicht reinlicher?

Und lag es an unsern Ohren, warum gab er uns Ohren, die ihn schlecht hörten? War Schlamm in unsern Ohren, wohlan! wer legte ihn hinein?

Zu Vieles missrieth ihm, diesem Töpfer, der nicht ausgelernt hatte! Dass er aber Rache an seinen Töpfen und Geschöpfen nahm, dafür dass sie ihm schlecht geriethen, — das war eine Sünde wider den guten Geschmack.

Es giebt auch in der Frömmigkeit guten Geschmack: der sprach endlich „Fort mit einem solchen Gotte! Lieber keinen Gott, lieber auf eigne Faust Schicksal machen, lieber Narr sein, lieber selber Gott sein!“

— „Was höre ich! sprach hier der alte Papst mit gespitzten Ohren; oh Zarathustra, du bist frömmer als du glaubst, mit einem solchen Unglauben! Irgend ein Gott in dir bekehrte dich zu deiner Gottlosigkeit.

Ist es nicht deine Frömmigkeit selber, die dich nicht mehr an einen Gott glauben lässt? Und deine übergrosse Redlichkeit wird dich auch noch jenseits von Gut und Böse wegführen!

Siehe doch, was blieb dir aufgespart? Du hast Augen und Hand und Mund, die sind zum Segnen vorher bestimmt seit Ewigkeit. Man segnet nicht mit der Hand allein.

In deiner Nähe, ob du schon der Gottloseste sein willst, wittere ich einen heimlichen Weih- und Wohlgeruch von langen Segnungen: mir wird wohl und wehe dabei.

Lass mich deinen Gast sein, oh Zarathustra, für eine einzige Nacht! Nirgends auf Erden wird es mir jetzt wohler als bei dir!“—

„Amen! So soll es sein! sprach Zarathustra mit grosser Verwunderung, dort hinauf führt der Weg, da liegt die Höhle Zarathustra’s.

Gerne, fürwahr, würde ich dich selber dahin geleiten, du Ehrwürdiger, denn ich liebe alle frommen Menschen. Aber jetzt ruft mich eilig ein Nothschrei weg von dir.

In meinem Bereiche soll mir Niemand zu Schaden kommen; meine Höhle ist ein guter Hafen. Und am liebsten möchte ich jedweden Traurigen wieder auf festes Land und feste Beine stellen.

Wer aber nähme dir deine Schwermuth von der Schulter? Dazu bin ich zu schwach. Lange, wahrlich, möchten wir warten, bis dir Einer deinen Gott wieder aufweckt.

Dieser alte Gott nämlich lebt nicht mehr: der ist gründlich todt.“ —

Also sprach Zarathustra.