Nietzsche | Le courage est le meilleur des meurtriers : il finira par tuer la mort, car il dit : « Comment ? était-ce là la vie ? Allons ! Recommençons encore une fois ! »

Traduction française par Henri Albert

Texte allemand | Sources

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Je montai, je montai davantage, en rêvant et en pensant, — mais tout m’oppressait. Je ressemblais à un malade que fatigue l’âpreté de sa souffrance, et qu’un cauchemar réveille de son premier sommeil. —

Mais il y a quelque chose en moi que j’appelle courage : c’est ce qui a fait taire jusqu’à présent en moi tout mouvement d’humeur. Ce courage me fit enfin m’arrêter et dire : « Nain ! L’un de nous deux doit disparaître, toi, ou bien moi ! » —

Car le courage est le meilleur meurtrier, — le courage qui attaque : car dans toute attaque il y a une fanfare.

L’homme cependant est la bête la plus courageuse, c’est ainsi qu’il a vaincu toutes les bêtes. Au son de la fanfare, il a surmonté toutes les douleurs ; mais la douleur humaine est la plus profonde douleur.

Le courage tue aussi le vertige au bord des abîmes : et où l’homme ne serait-il pas au bord des abîmes ? Ne suffit-il pas de regarder — pour regarder des abîmes ?

Le courage est le meilleur des meurtriers : le courage tue aussi la pitié. Et la pitié est l’abîme le plus profond : l’homme voit au fond de la souffrance, aussi profondément qu’il voit au fond de la vie.

Le courage cependant est le meilleur des meurtriers, le courage qui attaque : il finira par tuer la mort, car il dit : « Comment ? était-ce là la vie ? Allons ! Recommençons encore une fois ! »

Dans une telle maxime, il y a beaucoup de fanfare. Que celui qui a des oreilles entende. —

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Ich stieg, ich stieg, ich träumte, ich dachte, — aber Alles drückte mich. Einem Kranken glich ich, den seine schlimme Marter müde macht, und den wieder ein schlimmerer Traum aus dem Einschlafen weckt. —

Aber es giebt Etwas in mir, das ich Muth heisse: das schlug bisher mir jeden Unmuth todt. Dieser Muth hiess mich endlich stille stehn und sprechen: „Zwerg! Du! Oder ich!“ —

Muth nämlich ist der beste Todtschläger, — Muth, welcher angreift: denn in jedem Angriffe ist klingendes Spiel.

Der Mensch aber ist das muthigste Thier: damit überwand er jedes Thier. Mit klingendem Spiele überwand er noch jeden Schmerz; Menschen-Schmerz aber ist der tiefste Schmerz.

Der Muth schlägt auch den Schwindel todt an Abgründen: und wo stünde der Mensch nicht an Abgründen! Ist Sehen nicht selber — Abgründe sehen?

Muth ist der beste Todtschläger: der Muth schlägt auch das Mitleiden todt. Mitleiden aber ist der tiefste Abgrund: so tief der Mensch in das Leben sieht, so tief sieht er auch in das Leiden.

Muth aber ist der beste Todtschläger, Muth, der angreift: der schlägt noch den Tod todt, denn er spricht: „War das das Leben? Wohlan! Noch Ein Mal!“

In solchem Spruche aber ist viel klingendes Spiel. Wer Ohren hat, der höre. —