Nietzsche | Je ne suis une loi que pour les miens, je ne suis pas une loi pour tout le monde. Mais celui qui est des miens doit avoir des os vigoureux et des jambes légères

Traduction française par Henri Albert

Texte allemand | Sources

*

Nous allons donc bientôt faire un bon repas. Mais celui qui veut manger avec nous doit aussi mettre la main à la besogne et les rois eux aussi. Car, chez Zarathoustra, un roi même peut être cuisinier. »

Cette proposition était faite selon le coeur de chacun : seul le mendiant volontaire répugnait à la viande, au vin et aux épices.

« Écoutez-moi donc ce viveur de Zarathoustra ! dit-il en plaisantant : va-t-on dans les cavernes et sur les hautes montagnes pour faire un pareil festin ?

Maintenant, en vérité, je comprends ce qu’il nous enseigna jadis : « Bénie soit la petite pauvreté ! » Et je comprends aussi pourquoi il veut supprimer les mendiants. »

« Sois de bonne humeur, répondit Zarathoustra, comme je suis de bonne humeur. Garde tes habitudes, excellent homme ! mâchonne ton grain, bois ton eau, vante ta cuisine, pourvu qu’elle te rende joyeux !

Je ne suis une loi que pour les miens, je ne suis pas une loi pour tout le monde. Mais celui qui est des miens doit avoir des os vigoureux et des jambes légères, —

— joyeux pour les guerres et les festins, ni sombre ni rêveur, prêt aux choses les plus difficiles, comme à sa fête, bien portant et sain.

Ce qu’il y a de meilleur appartient aux miens et à moi, et si on ne nous le donne pas, nous nous en emparons : — la meilleure nourriture, le ciel le plus clair, les pensées les plus fortes, les plus belles femmes ! » —

Ainsi parlait Zarathoustra ; mais le roi de droite répondit : « C’est singulier, a-t-on jamais entendu des choses aussi judicieuses de la bouche d’un sage ?

Et en vérité, c’est là pour un sage la chose la plus singulière, d’être avec tout cela intelligent et de ne point être un âne. »

***

Also wollen wir in Kürze eine gute Mahlzeit machen. Wer aber mit essen will, muss auch mit Hand anlegen, auch die Könige. Bei Zarathustra nämlich darf auch ein König Koch sein.“

Mit diesem Vorschlage war Allen nach dem Herzen geredet: nur dass der freiwillige Bettler sich gegen Fleisch und Wein und Würzen sträubte.

„Nun hört mir doch diesen Schlemmer Zarathustra! sagte er scherzhaft: geht man dazu in Höhlen und Hoch-Gebirge, dass man solche Mahlzeiten macht?

Nun freilich verstehe ich, was er einst uns lehrte: „Gelobt sei die kleine Armuth!“ Und warum er die Bettler abschaffen will.“

„Sei guter Dinge, antwortete ihm Zarathustra, wie ich es bin. Bleibe bei deiner Sitte, du Trefflicher, malme deine Körner, trink dein Wasser, lobe deine Küche: wenn sie dich nur fröhlich macht!

Ich bin ein Gesetz nur für die Meinen, ich bin kein Gesetz für Alle. Wer aber zu mir gehört, der muss von starken Knochen sein, auch von leichten Füssen, —

— lustig zu Kriegen und Festen, kein Düsterling, kein Traum-Hans, bereit zum Schwersten wie zu seinem Feste, gesund und heil.

Das Beste gehört den Meinen und mir; und giebt man’s uns nicht, so nehmen wir’s: — die beste Nahrung, den reinsten Himmel, die stärksten Gedanken, die schönsten Fraun!“ —

Also sprach Zarathustra; der König zur Rechten aber entgegnete: „Seltsam! Vernahm man je solche kluge Dinge aus dem Munde eines Weisen?

Und wahrlich, das ist das Seltsamste an einem Weisen, wenn er zu alledem auch noch klug und kein Esel ist.“

***

SOURCES

Traduction française

Ainsi parlait Zarathoustra, 73, La cène

Texte allemand

Also sprach Zarathustra, 73, Das Abendmahl

***