Nietzsche | Créer — c’est la grande délivrance de la douleur, et l’allègement de la vie. Mais afin que naisse le créateur, il faut beaucoup de douleurs et de métamorphoses

Traduction française par Henri Albert

Texte allemand | Sources

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Créer — c’est la grande délivrance de la douleur, et l’allègement de la vie. Mais afin que naisse le créateur, il faut beaucoup de douleurs et de métamorphoses.

Oui, il faut qu’il y ait dans votre vie beaucoup de morts amères, ô créateurs ! Ainsi vous serez les défenseurs et les justificateurs de tout ce qui est périssable.

Pour que le créateur soit lui-même l’enfant qui renaît, il faut qu’il ait la volonté de celle qui enfante, avec les douleurs de l’enfantement.

En vérité, j’ai suivi mon chemin à travers cent âmes, cent berceaux et cent douleurs de l’enfantement. Mainte fois j’ai pris congé, je connais les dernières heures qui brisent le coeur.

Mais ainsi le veut ma volonté créatrice, ma destinée. Ou bien, pour parler plus franchement : c’est cette destinée que veut ma volonté.

Tous mes sentiments souffrent en moi et sont prisonniers : mais mon vouloir arrive toujours libérateur et messager de joie.

« Vouloir » affranchit : c’est là la vraie doctrine de la volonté et de la liberté — c’est ainsi que vous l’enseigne Zarathoustra.

Ne plus vouloir, et ne plus évaluer, et ne plus créer ! ô que cette grande lassitude reste toujours loin de moi.

Dans la recherche de la connaissance, ce n’est encore que la joie de la volonté, la joie d’engendrer et de devenir que je sens en moi ; et s’il y a de l’innocence dans ma connaissance, c’est parce qu’il y a en elle de la volonté d’engendrer.

Cette volonté m’a attiré loin de Dieu et des Dieux ; qu’y aurait-il donc à créer, s’il y avait des Dieux ?

Mais mon ardente volonté de créer me pousse sans cesse vers les hommes ; ainsi le marteau est poussé vers la pierre.

Hélas ! ô hommes, une statue sommeille pour moi dans la pierre, la statue de mes statues ! Hélas ! pourquoi faut-il qu’elle dorme dans la pierre la plus affreuse et la plus dure !

Maintenant mon marteau frappe cruellement contre cette prison. La pierre se morcelle : que m’importe ?

Je veux achever cette statue : car une ombre m’a visité — la chose la plus silencieuse et la plus légère est venue auprès de moi !

La beauté du Surhumain m’a visité comme une ombre. Hélas, mes frères ! Que m’importent encore — les Dieux ! —

Ainsi parlait Zarathoustra.

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Schaffen — das ist die grosse Erlösung vom Leiden, und des Lebens Leichtwerden. Aber dass der Schaffende sei, dazu selber thut Leid noth und viel Verwandelung.

Ja, viel bitteres Sterben muss in eurem Leben sein, ihr Schaffenden! Also seid ihr Fürsprecher und Rechtfertiger aller Vergänglichkeit.

Dass der Schaffende selber das Kind sei, das neu geboren werde, dazu muss er auch die Gebärerin sein wollen und der Schmerz der Gebärerin.

Wahrlich, durch hundert Seelen gieng ich meinen Weg und durch hundert Wiegen und Geburtswehen. Manchen Abschied nahm ich schon, ich kenne die herzbrechenden letzten Stunden.

Aber so will’s mein schaffender Wille, mein Schicksal. Oder, dass ich’s euch redlicher sage: solches Schicksal gerade — will mein Wille.

Alles Fühlende leidet an mir und ist in Gefängnissen: aber mein Wollen kommt mir stets als mein Befreier und Freudebringer.

Wollen befreit: das ist die wahre Lehre von Wille und Freiheit — so lehrt sie euch Zarathustra.

Nicht-mehr-wollen und Nicht-mehr-schätzen und Nicht-mehr-schaffen! ach, dass diese grosse Müdigkeit mir stets ferne bleibe!

Auch im Erkennen fühle ich nur meines Willens Zeuge- und Werde-Lust; und wenn Unschuld in meiner Erkenntniss ist, so geschieht diess, weil Wille zur Zeugung in ihr ist.

Hinweg von Gott und Göttern lockte mich dieser Wille; was wäre denn zu schaffen, wenn Götter — da wären!

Aber zum Menschen treibt er mich stets von Neuem, mein inbrünstiger Schaffens-Wille; so treibt’s den Hammer hin zum Steine.

Ach, ihr Menschen, im Steine schläft mir ein Bild, das Bild meiner Bilder! Ach, dass es im härtesten, hässlichsten Steine schlafen muss!

Nun wüthet mein Hammer grausam gegen sein Gefängniss. Vom Steine stäuben Stücke: was schiert mich das?

Vollenden will ich’s: denn ein Schatten kam zu mir — aller Dinge Stillstes und Leichtestes kam einst zu mir!

Des Übermenschen Schönheit kam zu mir als Schatten. Ach, meine Brüder! Was gehen mich noch — die Götter an! —

Also sprach Zarathustra.