Nietzsche | « Est-ce là — la vie ! » dirai-je à la mort. « Eh bien ! Encore une fois ! »

Traduction française par Henri Albert

Texte allemand | Sources

*

Mais alors il arriva ce qui pendant ce jour stupéfiant et long fut le plus stupéfiant : le plus laid des hommes commença derechef, et une dernière fois, à gargouiller et à souffler et, lorsqu’il eut fini par trouver ses mots, voici, une question sortit de sa bouche, une question précise et nette, une question bonne, profonde et claire qui remua le coeur de tous ceux qui l’entendaient.

« Mes amis, vous tous qui êtes réunis ici, dit le plus laid des hommes, que vous en semble ? À cause de cette journée — c’est la première fois de ma vie que je suis content, que j’ai vécu la vie tout entière.

Et il ne me suffit pas d’avoir témoigné cela. Il vaut la peine de vivre sur la terre : Un jour, une fête en compagnie de Zarathoustra a suffi pour m’apprendre à aimer la terre.

« Est-ce là — la vie ! » dirai-je à la mort. « Eh bien ! Encore une fois ! »

Mes amis, que vous en semble ? Ne voulez-vous pas, comme moi, dire à la mort : « Est-ce là la vie, eh bien, pour l’amour de Zarathoustra, encore une fois ! »

***

Da aber geschah Das, was an jenem erstaunlichen langen Tage das Erstaunlichste war: der hässlichste Mensch begann noch ein Mal und zum letzten Mal zu gurgeln und zu schnauben, und als er es bis zu Worten gebracht hatte, siehe, da sprang eine Frage rund und reinlich aus seinem Munde, eine gute tiefe klare Frage, welche Allen, die ihm zuhörten, das Herz im Leibe bewegte.

„Meine Freunde insgesammt, sprach der hässlichste Mensch, was dünket euch? Um dieses Tags Willen — ich bin’s zum ersten Male zufrieden, dass ich das ganze Leben lebte.

Und dass ich so viel bezeuge, ist mir noch nicht genug. Es lohnt sich auf der Erde zu leben: Ein Tag, Ein Fest mit Zarathustra lehrte mich die Erde lieben.

„War Das — das Leben?“ will ich zum Tode sprechen. „Wohlan! Noch Ein Mal!“

Meine Freunde, was dünket euch? Wollt ihr nicht gleich mir zum Tode sprechen: War Das — das Leben? Um Zarathustra’s Willen, wohlan! Noch Ein Mal!“